Un filet doux et orang orne les palmiers de la berge. Sur leau, une fine bruine se dcolle du Nil au travers de laquelle saperoit un pcheur, seul sur sa barque silencieuse. Une dlicate bue voltige aussi sur leau de ma tasse matinale dans laquelle Armada a, sans filtre, bouillant des feuilles de th. Toujours endormi, le vent laissera londe fluviale en miroir, du moins jusquau retour du plein soleil. Le capitaine na pas encore ouvert la grande voile: il nous laissera glisser au large alors que, cigarette au bec, il nous fera bouillir des oeufs la coque. Aprs le djeuner, je quitte Armada alors quil a accroch son voilier une route de campagne o passent des calches et des mulets effacs sous des ballots dherbage. Il mappelera un de ses amis tuktuk qui lui, trouvera sans problme le moyen de me a, loin de tout autres options de dplacement. Je me relance dans la vie bruyante de lgypte alors que le capitaine, dans son mutisme habituel, regagnera le large en sallumant sa trompette de hachisch prvue pour son retour sur Aswan. Le vent se lvera ds lors sur le fleuve. Une fillette tord une bouteille de plastique vide en ricanant alors que sa en tchador surveille larrive du train. On se sourit la femme voile et moi. Elles intimident les madames caches sous leurs longs tissus noirs: on ne sait pas agir avec elles, dans un monde o lhomme a tous les pouvoirs. Je prend place dans le train alors quun vieux turban vient saccoter moi. Sa femme voile est assise devant lui, ct dun autre homme qui tient mordicus son banc. Ce dernier refuse de changer de place. Le vieux turban grommele: cest SA femme LUI. Nerveusement, il fouillonne les Dans le corridor serr des wagons, des vendeurs itinrants passent et repassent en se faisant svrement secouer par le mouvement de balancier du train. Deux gamins cherchent vendre des masques jetables. Les deux gamins ne sont pas masqus (ni aucun des passagers du train en fait... sauf moi et les niquabs): les affaires ne sont pas trs bonnes pour les vendeurs de masques Covid en gypte. Jarrive enfin la trs touristiques Louxor, l o se sont fait les plus remarquables dcouvertes archologiques du vingtime sicle. La ville est bruyante et tumultueuse, contrastant gravement avec mes derniers jours mditatifs passs sur la felouque dArmada. Sur la cte ouest de Louxor, la valle des Rois et des Reines regroupent les tombes des Grands Pharaons, de Toutnkhamon Ramss II, sur un tableau aveuglant de montagnes brles aux allures de grande carrire ciel ouvert. Sous les tages de pierres condenses, lextraordinaire se dvoile dans des grottes tapisses de gravures rupestres des Dieux gyptiens tte de chacals ou de balbuzards. Les ples couleurs vieilles de 3000 ans sont toujours tonnamment visibles. Sous la terre, protges des lments, les histoires racontes sur les murs nont pratiquement pas t altres. Les mystres des Pharaons fascinent. Il fallait avoir un sacr flair darchologue pour retrouver les spultures des Grands Rois dgypte dans ce vide dsertique. Hors des grottes, des poignes de travailleurs presque momifis, creusent toujours, avec leurs pics et leurs pelles, rappelant les vieilles photos en noir et blanc des premires dcouvertes du dbut 1900. connecte des Temples de Karnak par la longue Alle des Sphinx (longue de 3 kilomtres sous le soleil). Les sites sont grandioses. Les oblisques des missiles, les imposants cerbres de roc et les hiroglyphes partout gravs sur les murs donnent ltrange impression dtre dans un dcor de cinma. Jeudi dernier, un spectacle immense a eu lieu dans le Temple dAmon pour linauguration officielle de la mythique Alle des Sphinx. La dlgation prsidentielle, en premire ligne, exigeait une scurit accrue pour lvnement. Pour le weekend, jamais la ville naura vu autant de policiers et de militaires prt rpliquer en cas dassaut terroriste. Autour des brets montant la garde aux vingt mtres me regardent passer dun regard sombre, sourire enfouit sous leurs trs noires moustaches de gnraux.